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Cet ensemble de textes a été conçu à la demande de lecteurs de la revue en ligne Automates-Intelligents souhaitant disposer de quelques repères pour mieux appréhender le domaine de ce que l’on nomme de plus en plus souvent les "sciences de la complexité"... lire la suite

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28 février 2007 3 28 /02 /février /2007 22:11
 

Pourra-t-on sauver le soldat Niels Bohr ?
Shariar Afshar persiste à mettre en défaut le principe de complémentarité de Bohr

par Jean-Paul Baquiast 23/02/07

image NewScientist 11 février 2007, p. 13

Dans un article du 27 juillet 2004, nous avions relaté l'expérience troublante du physicien américano-iranien Shahriar Afshar, alors chercheur au Boston Institute for Radiation-induced Mass Studies. Il affirmait avoir réalisé un dispositif qui mettait en échec le célèbre principe de complémentarité de Niels Bohr, selon lequel une particule peut se comporter, soit comme une particule, soit comme une onde, mais ne peut être observée présentant les deux propriétés simultanément. Il s'agit d'un principe fondamental de la physique quantique, mis en évidence pour la première fois par la célèbre expérience des fentes de Young. Le journal Newscientist avait signalé et largement commenté l'expérience de Shahriar Afshar. Nous avions repris l'information à sa suite. Nous indiquions que les conditions de l'expérience initiale n'avait pas été jugée totalement absentes d'ambiguïté et que Shahriar Afshar mettait au point une nouvelle expérience, utilisant un flux de photons, qui devait faire taire les critiques. Mais de nombreux mois se sont écoulés sans que l'on entende parler de lui.

Or, dans un nouvel article en date du 17 février 2007, le NewScientist nous apprend que Shahriar Afshar avait été retardé par « une tempête de critiques » s'en prenant tout autant à son hypothèse qu'à son appartenance ethnique et à sa religion. Il a pourtant réussi à surmonter la tempête et construire un nouveau dispositif expérimental (image ci-dessus). Celui-ci, selon Shahriar Afshar et les scientifiques qui le soutiennent, notamment Antony Valentini, du Perimeter Institute, montre sans ambiguïté qu'il a mis le doigt sur quelque chose d'important. Le dispositif est présenté comme permettant en même temps d'observer la trajectoire (particulaire) des photons traversant les fentes de Young tout en mettant en évidence leur caractère ondulatoire.

L'appareil d'Afshar comporte un écran percé de deux fentes, mais des lentilles sont installées derrière l'écran et renvoient les rayons sur deux miroirs, qui à leur tour les renvoient sur des détecteurs de photons. Ainsi est « observé » le chemin suivi par ceux-ci, qui se comportent classiquement comme des particules. Le principe de complémentarité devrait donc interdire d'observer des franges d'interférences.

Mais Shahriar Afshar a imaginé un dispositif ingénieux qui lui permet de mettre en évidence, de façon indirecte, l'existence de ces franges. Il a placé des fils devant les lentilles à l'endroit où devraient se trouver les franges sombres de l'interférence. Si les photons n'interféraient pas, il n'y aurait pas de franges sombres et les fils arrêteraient certains des photons traversant les lentilles, ce qui réduirait le nombre des photons dénombrés sur les détecteurs. Or le signal ne manifeste aucune diminution d'intensité. Ceci signifie que les photons constituant le rayon lumineux interfèrent et se comportent donc comme des ondes, tout en se comportant dans le même temps, comme indiqué ci-dessus, comme des particules.

Ce dispositif, ingénieux mais simple comme l'œuf de Christophe Colomb, obligera-t-il à revoir les lois de la physique quantique ? C'est apparemment ce que pense le prix Nobel Gérard 't Hooft, éditeur de la revue Foundations of Physics (vol 37, p. 295) où la nouvelle expérience de Shahriar Afshar est publiée (1). Dans notre article du 27 juillet 2004, nous évoquions certaines des conséquences que des esprits audacieux pensaient pouvoir déduire de l'expérience de Shahriar Afshar. Nous saurons sans doute bientôt s'ils maintiennent leurs déductions.

Sera-t-il ou non possible alors de sauver le soldat Niels Bohr ? Peut-être faudra-t- il pour ce faire en appeler à MCR, la Méthode de conceptualisation relativisée de Miora Mugur Schächter, qui permettrait précisément de « relativiser » les observations de ces divers expérimentateurs (2).

Notes
(1) Dans un article du 6 mai 2006, "Free will - you only think you have it", le NewScientist discute des implications de l'indétermination de la mécanique quantique sur la conception classique du libre arbitre. L'auteur évoque notamment les recherches de Gerard 't Hooft, Depuis plus de 10 ans, dit-il, 't Hooft a travaillé sur l'hypothèse qu'il existe une couche cachée de réalité à des échelles plus petites que la longueur de Planck (soit 10-35 m). Il a développé un modèle mathématique en ce sens. A ce niveau, selon 't Hooft, on ne peut plus décrire la réalité en termes de particules ou d'ondes. Il propose des entités énergétiques appelées "states". Celles-ci se comportent d'une façon déterministe, permettant en théorie de procéder à des calculs les concernant. Mais ces calculs montrent que les "states" individuels ne peuvent être identifiés que pendant environ 10-43 s. Après quoi ils fusionnent dans un état final qui recrée l'incertitude de la mécanique quantique. L'information les concernant est perdue. Il n'est donc plus possible de recréer leur histoire antérieure. Nous renvoyons à l'article pour la suite.
Disons seulement ici que, aussi intéressante que soit l'hypothèse de Gerard 't Hooft portant sur ce que l'on pourrait appeler des états sub-quantiques de la matière, elle ne peut actuellement faire l'objet d'observations expérimentales. Ce n'est donc pas sur elle que l'on pourra compter, dans un proche avenir, pour expliquer les bizarreries que Shahriar Afshar pense avoir mises en évidence par sa propre expérience.
2) Madame Mugur-Schächter, interrogée sur cette question, nous a fait parvenir la remarque suivante, dont nous la remercions: " Je dois dire que, personnellement, je n'ai jamais pris très au sérieux les différentes "impossibilités" annoncées à cris et à cors dans les sciences (j'ai invalidé des '" théorèmes d'impossibilité ", comme vous le savez). Notamment, le " principe " de complémentarité est, selon moi, ce que j'appelle " un faux absolu" : en fait, face à certaines manières d'opérer, on ne perçoit pas, à la fois, des caractères " corpusculaires " et des caractères " ondulatoires ", cependant que d'autres manières d'opérer pourraient, a priori, permettre - sinon de percevoir à proprement parler, du moins d'induire les deux types de caractères sur la base d'une seule expérience (comme le fait Afshar), ce qui est effectivement intéressant."

Pour en savoir plus
Notre article du 27 juillet 2004
http://www.automatesintelligents.com/labo/2004/juil/afshar.html
Le nouvel article du NewScientist en date du 17 février 2007
L' article du 6 mai 2006 du NewScientist en date du 6 mai 2006

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commentaires

S
Bonjour,M Brossard a été induit en erreur. En effet, dans l'article il est décrit que ce sont des FILS -et non pas des fentes- qui sont placés aux positions des franges d'interférence sombres.Ces fils ont pour mission d'arrêter certains photons (par absortion), mais cela ne se produit pas. ==> on a donc le caractère ondulatoire.Le caractère corpusculaire vient du fait que l'on détecte les photons un par un, et à différents endroits (le détecteur détermine où le photon l'a collisionné).Voilà voilà ...
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G
Message pour Brossard<br /> Merci de votre commentaire et de votre intérêt. A mon avis, s'il y a des franges, c'est qu'il y a interférence. Mais si l'on veut compter les photons il faut aller là où ils sont peu nombreux, dans le sombre. Sinon c'est l'éblouissement. Mais peut-être suis je dans l'erreur.<br /> D'autres arguments contre Afshar ont par ailleurs été émis. Nous ne pouvons qu'attendre la suite du débat.  jpbaquiast
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B
bonjour,j'aimerais réagir à l'expérience de S. Afshar car il me semble qu'il ne prouve rien quant au principe de complementarité. Je ne suis pas allé à la source de ses travaux publiés car je n'ai pas accès à New Scientist. D'après ce qu'en dit J.P. Blaquiast, Afshar aurait positionné ses fentes dans le plan des interférences, là "où devraient se trouver les franges sombres de l'interference", donc là où il y a interférences destructives donc pas de photons localisables. Pour inferer sa conclusion, il me semble qu'Afshar aurait dû les positionner non pas à aux endroits des franges sombres mais bien plutot là où elles ont une luminosité maximale car là il aurait effectivement arreté des photons!bien cordialement et sachez que je suis toujours interessé par la lecture de vos articles dans Automates intelligents. Il est si rare de voir des scientifiques défendre un point de vue matérialiste (à part Bricmont, Dubessy, Lecointre et quelques autres) !Luc Brossard
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