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Cet ensemble de textes a été conçu à la demande de lecteurs de la revue en ligne Automates-Intelligents souhaitant disposer de quelques repères pour mieux appréhender le domaine de ce que l’on nomme de plus en plus souvent les "sciences de la complexité"... lire la suite

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19 juillet 2009 7 19 /07 /juillet /2009 15:34
L’expression des systèmes anthropotechnique dans les cerveaux et les génomes individuels
par Jean-Paul Baquiast 19/07/2009


Nous avons fait l’hypothèse, dans divers articles publiés sur ce site et dans un essai à paraître prochainement 1) qu’il existait une intrication profonde mais encore mal étudiée entre les objets matériels et ceux qui les utilisent. Ceci qu’il s’agisse d’animaux faisant occasionnellement ou durablement appel à des outils ou qu’il s’agisse d’humains. Pour désigner cette intrication, notamment lorsqu’elle se manifeste chez l’homme, nous avons proposé le concept de système anthropotechnique.
 

Cette terminologie n’est pas gratuite. Elle vise à dépasser la constatation devenue banale que les outils déterminent en grande partie les comportements des individus. Nul ne discute le fait que, si j’emploie un marteau pour planter un clou, mes gestes moteurs s’adapteront pendant quelques minutes, aussi exactement que possible, à l’outil et à la tâche entreprise. Il s’agira de pratiques largement automatiques acquises par l’usage. Mais nul n’ira prétendre que je sois moi-même devenu, au moins pendant ce temps, une sorte d’hybride biotechnique au sein duquel mon corps et le marteau se retrouveraient unis d’une façon quasiment indiscernable. Même lorsque les individus paraissent se laisser dominer par leurs machines, automobiles, récepteurs de télévision, téléphones portables, le sens commun postule qu’ils conservent suffisamment d’indépendance pour reprendre leur liberté si les circonstances l’exigeaient.
 

L’hypothèse du système anthropotechnique affirme exactement le contraire. Selon cette hypothèse, nous nous unissons à nos outils dans des entités d’un nouveau genre, durables sinon permanentes, qu’il convient désormais d’étudier en tant que telles. Certes, les outils et les technologies avec lesquels interagissent les individus sont multiples. Il en est de même des systèmes anthropotechniques en résultant. Il est possible cependant d’en proposer des modèles généraux. Deux approches s’imposent à cet égard. La première, sociétale, relève des sciences humaines et sociales qui explorent le concept très général mais très pertinent de superorganisme. On étudiera ainsi la nature et le comportement d’un système anthropotechnique collectif tel que le Pentagone, produit de l’interaction des technologies militaires avec un nombre considérable et très divers d’humains et d’intérêts. Nous n’aborderons pas cette approche dans cet article.

Une approche plus technique, que nous proposons ici, s’appuie sur deux voies récemment ouvertes, l’une par les neurosciences et l’autre par la biologie. Concernant la première, nous rappellerons que l’imagerie cérébrale fonctionnelle a récemment mis en évidence l’existence au sein des cortex sensoriels et moteurs de zones et fibres nerveuses dédiées à l’imitation et fonctionnant en miroir, d’où le nom général de neurones miroirs. Ces observations permettent de comprendre comment, au sein des systèmes anthropotechniques, les individus partagent étroitement avec leurs outils les ressources de leurs aires sensori-motrices et de leurs facultés cognitives 2).


La seconde voie permet selon nous d’expliquer pourquoi des individus plus ou moins différents peuvent adopter des comportements et souvent des morphologies semblables, en conséquence de l’utilisation de tels ou tels outils, aujourd’hui de telles ou telles technologies, si bien qu’ils finissent par co-évoluer avec ces dernières. Pour ce faire nous nous appuierons sur la toute nouvelle théorie de l’ontophylogenèse, due au biologiste Jean-Jacques Kupiec, selon laquelle les « environnements », quels qu’ils soient, constituent des milieux sélectifs orientant à long terme l’expression « stochastique » (aléatoire) des gènes pilotant l’évolution des phénotypes, c’est-à-dire des individus et de leurs modalités de reproduction 3). Nous faisons l’hypothèse que les systèmes anthropotechniques constituent de tels environnements sélectifs, capables d’influencer non seulement les propriétés physiques et mentales (phénotypiques) des individus mais sans doute aussi l’expression de leurs génomes voire à plus long terme la composition ou l’architecture de ceux-ci.


1. Systèmes anthropotechniques et neurones miroirs


Le développement des techniques d’exploration du cerveau par l’imagerie fonctionnelle a fourni les données expérimentales les meilleures pour tester l’hypothèse selon laquelle, au niveau des individus et non plus seulement des groupes, la façon dont les objets du monde extérieur avec lesquels nous interagissons imposent leurs marques dans le fonctionnement des aires cérébrales commandant nos comportements. On peut montrer que ces objets nous obligent à agir en fonction de leurs logiques propres ou, plus exactement, en fonction de celles du couple hybride que chaque objet forme avec l’animal ou l’humain qui, passagèrement ou durablement, en fait usage 4).


L’ouvrage précité du neurologue Giacomo Rizzolati et du philosophe des sciences Corrado Sinaglia, consacré aux neurones miroirs, apporte à cette réflexion des éclairages extrêmement importants. L’étude de ce qui a été nommé d’une façon un peu simplificatrice les neurones miroirs a commencé depuis une trentaine d’années. Depuis, des centaines d’observations et de publications ont été réalisées, faisant du sujet un thème incontournable de l’étude du cerveau et de son évolution épigénétique au sein des espèces supérieures. Ainsi fut notamment mise en évidence la coopération entre les aires du cortex moteur et les aires des cortex sensoriels dans la commande des gestes découlant de l’interaction avec les objets et les êtres du monde extérieur. Nous ne pouvions pas manquer pour notre part de remarquer les arguments que ces travaux, dont ce n’était évidemment pas l’objet, apportent à notre réflexion sur les systèmes anthropotechniques. Résumons ci-dessous ce qu’à notre sens il est possible d’en retenir.


1.1. Les fonctions « cognitives » des cortex moteurs et sensoriels


Un humain utilisant un objet technique tel qu’une automobile est généralement présenté comme libre de l’usage qu’il en fait. L’expérience quotidienne montre au contraire qu’il lui est plus ou moins durablement asservi. Il s’agit d’un asservissement complexe, prenant de multiples formes. L’automobile ne transforme pas systématiquement l’automobiliste en une brute destructrice ou en un paon vaniteux. Cependant elle interagit, non seulement avec un grand nombre de ses circuits sensoriels et moteurs, mais avec ce que l’on nomme généralement son cerveau cognitif, celui qui construit des représentations, des intentions et des affects, qu’elles soient inconscientes ou conscientes.. Or l’opinion commune a le plus grand mal à s’en convaincre. La croyance en l’indépendance du cerveau cognitif par rapport aux gestes moteurs liés à l’usage de tel ou tel outil reste bien implantée. Pour elle, un homme, sauf cas pathologiques d’addiction, ne « naît » pas automobiliste. Il ne le « devient » pas non plus, sauf de façon imagée. Il reste l’homme qu’il était avant d’acquérir une voiture ou de s’en servir.


Il s’agit pourtant en grande partie d’une illusion. L’ouvrage de Giacomo Rizzolati montre comment les zones motrices du cortex cérébral, celles, pour conserver notre exemple, où s’exécutent les tâches manuelles de la conduite automobile, ne se distinguent pas fonctionnellement des aires réputées plus « nobles » du cortex dit associatif, seules capables d’élaborer les ordres nécessaires à l’exécution de stratégies intentionnelles à long terme. Les neurosciences traditionnelles, ceci jusque aux années 1980, avaient en effet totalement sous-estimé le rôle du cortex moteur dans le traitement des perceptions et dans la définition d’actions orientées, non seulement par ces perceptions ou par les intentions du sujet à leur propos, mais par les caractéristiques spécifiques des outils et techniques utilisées pour mener ces actions.


Pour comprendre comment le sujet s’engageait dans des activités corporelles souvent complexes, il avait fallu supposer qu’entre les aires sensorielles travaillant sur un mode récepteur passif (aires visuelles, auditives et somatosensorielles) d’une part et les aires motrices du cortex frontal commandant passivement les comportements moteurs, intervenaient de vastes aires dites associatives situées entre les aires sensorielles et motrices. On faisait l’hypothèse que les informations provenant des diverses aires sensorielles étaient assemblées dans ces aires associatives et qu’à partir d’elles étaient élaborés des percepts visuels portant aussi bien sur les objets que sur l’espace. Ces percepts étaient ensuite envoyés dans les aires motrices où ils commandaient des mouvements adéquats. Le système moteur ne jouait ainsi, dans ce modèle, qu’un rôle périphérique, principalement d’exécution. Mais ce qui se passait exactement dans les aires associatives supposées restait inconnu.


Par ailleurs, on ne se posait pas la question de la façon dont les objets et outils du monde extérieur étaient perçus par les sujets, en fonction de leurs caractères propres et surtout en fonction de la façon dont ils pouvaient, grâce à certains de ces caractères particulièrement attractifs, générer des besoins et des intentions chez les sujets. En conséquence, on ne cherchait pas à savoir quel type de réponse motrice à long terme suscitait la perception de tel objet, en fonction de ces mêmes caractères. Plus exactement, on pensait que toutes les opérations complexes liées à l’utilisation des objets était décidées au niveau d’un cortex associatif prétendu supérieur, celui responsable des conduites dites rationnelles, et non au sein du cortex moteur. On les associait généralement à la conscience, c’est-à-dire à la façon dont les perceptions sont représentées (rapportées) dans les aires et réseaux associatifs constituant l’espace de travail conscient.


Cette façon ancienne de se représenter le fonctionnement cérébral face aux objets et outils persiste dans l’opinion courante. Même lorsque nous sommes informés du rôle du cerveau dans la construction des représentations à partir des donnés de type électromagnétique perçues par les capteurs sensoriels, nous ne nous interrogeons pas véritablement sur la façon dont notre cerveau charge ces données primaires de significations et les transforme en commandes d’actions intentionnelles, inconscientes ou conscientes. Si mes sens perçoivent les émissions lumineuses ou olfactives émanant d’une tasse de café chaud (la tasse de café joue un grand rôle dans les démonstrations proposées par Giacomo Rizzolati), la construction de l’image de cette tasse et l’élaboration des ordres moteurs qui permettront de la prendre en mains et la porter aux lèvres se font, selon cette façon ancienne de voir les choses, dans le cortex associatif, que ce soit au plan inconscient ou au plan conscient. Les aires motrices n’interviennent pas. Elles se bornent à transmettre les ordres permettant aux muscles de la main et des bras de faire les gestes nécessaires.


Aujourd’hui cependant les neuroscientifiques s’étant intéressés aux neurones miroirs ont admis que les choses ne se passaient pas de cette façon. On savait depuis longtemps que chaque individu, animal ou humain, devient vite capable, sous la pression de la nécessité, d’identifier dans son environnement des objets vivants ou inertes imposant des conduites bien déterminées, sélectionnées lors des expériences passées, celle de la lignée comme celle de l’individu. Mais point n’est besoin de faire appel à un cerveau supérieur hypothétique qui se chargerait de ces tâches vitales. Pour ce faire, toutes les aires sensorielles et motrices coopèrent, que ce soit pour se défendre contre l’attaque d’un lion ou pour saisir une tasse de café pleine. Si mon cortex visuel identifie une tasse emplie de liquide, tasse reconnaissable à ses formes géométriques définissant une façon bien particulière de s’en saisir, mon cortex moteur prépare sans attendre la suite de gestes complexes permettant de la prendre et la porter à la bouche. Ces gestes sont prêts avant même que j’ai physiquement touché la tasse, et même avant que j’ai pris conscience de la présence de la tasse. Il en est de même si je dois m’emparer d’une lance pour repousser un lion.


Ceci veut dire que derrière le simple geste consistant à saisir une tasse de café (oublions le lion...), des répertoires extrêmement riches de sensations (visuelles, tactiles, olfactives, proprioceptives), d’associations avec des besoins organiques profonds (tels que boire ou se nourrir), de postures corporelles préparatoires et finalement d’actions motrices très variées (saisir la tasse par l’anse ou par le corps) avaient été mémorisées par mon système moteur et n’attendaient qu’une occasion pour se manifester, celle de la rencontre de mon envie de café avec une tasse de ce produit.


L’ouvrage de Giacomo Rizzolati montre que le système moteur est composé d’une véritable mosaïque de régions fortement interconnectées bien qu’anatomiquement et fonctionnellement distinctes. Elles forment des circuits travaillant en parallèle et intégrant les informations sensorielles et les informations motrices correspondant aux effecteurs corporels. Il comporte aussi des circuits responsables de l’élaboration des intentions, de la planification à long terme et du choix du moment où entreprendre une action. Le système moteur enfin est en étroite relation avec les aires du cortex pariétal postérieur qualifiées traditionnellement d’associatives, lesquelles comportent des propriétés motrices.


Le système moteur n’est donc pas le simple exécutant d’ordres venus d’ailleurs. Il est non seulement en charge des comportements de tous les jours mais de l’amorce de processus considérés comme d’un ordre supérieur, généralement attribués à la cognition : perception et reconnaissance des actions conduites par les autres, imitations, communication posturale et vocal. Ces découvertes très importantes ont entraîné une véritable rupture épistémologique. Mais en quoi intéressent-elles notre réflexion sur les systèmes anthropotechniques ? C’est parce qu’elles permettent d’assurer un lien direct entre les objets et outils de notre environnement et la façon dont se construisent les comportements individuels et sociaux les plus élaborés.


1.2. Le lien entre les objets et les comportements


Pour comprendre ce lien, il est utile de faire appel à la notion d’affordance, sur laquelle la première partie de l’ouvrage de Giacomo Rizzolati met l’accent. Comme nous n’interagissons pas qu’avec des tasses de café, mais avec des milliers d’outils et de machines, ces différents objets génèrent au niveau du cerveau de ceux qui les utilisent de multiples répertoires sensori-moteurs et cognitifs qui s’activent spécifiquement à l’occasion de chaque interaction. Ce sont les caractères physiques spécifiques de ces outils et machines qui sont responsables de ces activations. Ils le font en compétition darwinienne, les caractères auxquels le sujet est le plus sensible l’emportant sur les autres. Le concept anglais d’affordance proposé par James Gibson en 1979 5)regroupe l’ensemble des spécificités physiques ou symboliques propres à des objets déterminés qui induisent telles ou telles réactions chez ceux qui les utilisent ou plus simplement qui les aperçoivent. Il est également possible de parler d’affordance pour désigner les traits par lesquels un animal ou un humain est identifié par un autre humain dans le cadre d’une interaction spécifique avec lui.


L’affordance est donc la capacité d’un objet à suggérer sa propre utilisation, notamment sous forme d’outil. Le mot est utilisé dans différent champs, notamment la psychologie cognitive, la psychologie de la perception, le design, l'interaction homme-machine et l'intelligence artificielle (Wikipedia). Ce n’est ni l’objet seul qui suggérerait sa propre utilisation, ni son utilisateur qui redécouvrirait à chaque fois les conditions de son emploi. Les relations entre l’objet et l’utilisateur, ayant abouti à une adaptation réciproque, résultent d’une longue expérience de cohabitation et de co-évolution. Certaines de ces relations remontent aux racines mêmes de la civilisation et sont donc mémorisées dans l’organisation héréditaire des aires cérébrales concernées (cf. ci-dessous, 2.) Je sais (sans doute héréditairement) que pour satisfaire ma soif, à moins de clapper l’eau comme un animal, je dois porter celle-ci à ma bouche avec un objet creux. Mais j’ai appris expérimentalement, cette fois-ci à titre personnel, que pour éviter de me brûler, j’ai intérêt à saisir une tasse de café chaud par l’anse et non par le corps. Il en est de même pour l’ensemble des répertoires de sensations, postures et gestes auxquels nous faisions allusion.


Ce n’est pas la vue seule de l’objet qui déclenche tout le répertoire d’actions permettant au cortex moteur de l’utiliser. Il faut que cette vue s’insère dans un processus chargé de significations individuelles ou sociales correspondant à des besoins corporels ou affectifs puissants. Une tasse de café ne mobilisera mon système sensori-moteur que si j’ai un tant soit peu soif ou que si je veux me joindre à l’acte social consistant à prendre un café avec des collègues. Sinon, quand bien même mon cortex visuel aurait enregistré la présence de la tasse pleine de café, mon cortex moteur restera indifférent au message reçu. C’est ce qui se passe lorsque j’observe sans y prêter véritablement attention la présence de tasses de café sur un comptoir de bar, destinés à d’autres consommateurs que moi. Autrement dit, l’affordance ne se manifestera, pour un objet donné, que si le sujet est déjà, du fait d’expériences antérieures, sensibilisé à la possibilité de l’utiliser, notamment en tant qu’outil, pour répondre à des besoins corporels ou affectifs bien identifiés.


Que se passera-t-il chez un sujet naïf, autrement dit un sujet n’ayant pas encore personnellement expérimenté l’intérêt d’utiliser tel objet pour répondre à des désirs ou besoins qu’il ressent, sans savoir encore que cet objet, devenu outil, pourrait l’aider à les satisfaire. C’est alors qu’intervient l’imitation. Un enfant ou un primitif ignorant qu’une tasse peut servir à boire regardera quelqu’un plus expérimenté que lui consommer un liquide avec une tasse. Rapidement, il sera conduit à faire de même. Mais comment trouvera-t-il sans trop de difficultés le répertoire de sensations et de gestes complexes qu’exige le simple fait de porter une tasse à ses lèvres. Un robot classique, peu adaptatif, n’en serait pas capable. Il faudrait le programmer en détail. C’est le mécanisme dit des neurones miroirs qui aidera notre sujet inexpérimenté.


1.3. Les neurones miroirs


Nul n’ignore désormais ce dont il s’agit, grâce à l’écho justifié reçu par les travaux ayant mis en évidence, sous ce terme, une fonction cérébrale semble-t-il essentielle, mal identifiée jusqu’à présent. Si je regarde un tiers saisir une tasse de café et la porter à la bouche, l’imagerie cérébrale fonctionnelle montre que les mêmes zones sensori-motrices auxquelles ce tiers fait appel dans ce geste se trouvent mobilisées chez moi à vide, grâce à des circuits neuronaux dits neurones miroirs qui s’activent par une sorte d’empathie ou de résonance. Autrement dit, je ne mobilise pas encore tout le « vocabulaire » ou répertoire des capacités sensorielles et motrices fines permettant de me saisir de la tasse de café, mais dans la mesure au moins où certaines de ses capacités–types se trouvent déjà mémorisées dans mon cerveau et mon corps à la suite d’acquis ancestraux ou d’expériences personnelles, fussent-elles différentes, je me trouve très vite prêt à les mettre en œuvre pour atteindre le but précis que je voudrais accomplir à mon tour : me saisir de la tasse et boire le café qu’elle contient. On considère que si l’évolution a sélectionné de tels circuits neuronaux, ce fut notamment du fait des avantages qu’ils apportaient dans la diffusion des expériences réussies au sein des groupes, pour le plus grand profit des jeunes et des individus « naïfs ». .


Ce furent une fois de plus, comme pour la plupart des découvertes récentes intéressant les neurosciences, les techniques diverses de l’imagerie cérébrale fonctionnelle qui ont montré l’inconsistance du postulat trop simpliste que nous décrivions au début de cet article : considérer que le cortex moteur n’était qu’un simple agent passif d’exécution, les décisions se prenant dans un hypothétique cerveau associatif. Des expériences ont permis d’identifier l’activité corrélée de zones plus ou moins étendues au sein des cortex sensoriels et moteurs, acctivité s'exerçant dans le cadre de processus très semblables les uns aux autres dits en miroir résultant de l’observation d’un geste et de l’accomplissement de ce geste. Elles ont permis de montrer que c’est au niveau de ces zones que se produisent les intégrations de type cognitif permettant l’élaboration de comportements complexes. Ces expériences furent d’abord menées chez des primates, puis rapidement étendues à des adultes consentants en bonne santé, comme à des patients atteints d’accidents cérébraux divers où l’exploration fonctionnelle s’imposait à des fins thérapeutiques.


En se perfectionnant, ces techniques d’imagerie ont mis en évidence l’activité de mini-zones spécifiques, voire de neurones individuels jouant un rôle déterminant dans l’imitation et la compréhension d’autrui, qui furent désignés par le terme de neurones miroirs. Nous avons plusieurs fois évoqué ces travaux sur ce site.


Le grand public, succès oblige, simplifie cependant beaucoup la question des neurones miroirs. On a tendance à la résumer au fait que, comme nous l’avons dit, lorsqu’un sujet, animal ou humain, observe un de ses congénères accomplir une action, des circuits cérébraux identiques à ceux que ce sujet aurait mobilisé pour accomplir cette action s’activent dans son cerveau, en dehors de toute action de sa part. L’observation est exacte et a été vérifiée dans de multiples circonstances. On peut en déduire des hypothèses très fécondes relatives aux causes ayant permis le développement de comportements sociaux complexes, faisant appel non seulement à l’analyse « intelligente » des actes moteurs, mais à leur motivations affectives : empathie, imitation, théorie de l’esprit, etc. A partir de là, il est possible de mieux comprendre le développement des activités collectives dite culturelles favorisant l’apprentissage, l’éducation, le langage, comme aussi les comportements de foules les plus aveugles…


Mais il semble aujourd’hui que les fonctions jusqu’ici attribuées aux neurones miroirs soient en fait beaucoup plus réparties. Elles intéressent l’ensemble des cortex moteur et associatif. En exagérant un peu, on pourrait dire que c’est le cerveau tout entier, voir l’ensemble du corps, que ce soit chez l’animal ou chez l’homme, qui pourrait sous la pression de la nécessité s’engager dans des comportements dont la commande est attribuées aux seuls neurones- miroirs. L'activité de ceux-ci ne serait, si l’on peut dire, que le sommet de l’iceberg.


Quoiqu’il en soit, nous pensons que les travaux publiés sur le thème des neurones miroirs permettent d’éclairer de façon significative la pertinence du concept de système anthropotechnique. Ce serait selon nous grâce aux neurones miroirs que des comportements individuels liés à l’utilisation d’un certain type d’outil se répandent au sein d’un groupe jusqu’à former des systèmes anthropotechniques collectifs. Si je considère par exemple que le superorganisme des usagers de l’automobile impose aux individus qui à titres divers en font partie des comportements génériques bien déterminée, je dois comprendre pourquoi ces individus adoptent chacun pour ce qui les concerne les comportements personnels définissant au plan statistique le profil de l’ « automobiliste ».


Un premier point concerne le concept d’affordance ou capacité d’un outil à suggérer sa propre utilisation. On pourrait penser qu’il s‘agit là d’une image. Ce n’est pas l’outil qui impose son utilisation mais les concepteurs de l’outil. Si l’automobile est dotée d’un volant et d’un accélérateur, on dira que ce sont des ingénieurs qui l’ont voulu ainsi, afin de faciliter son emploi. Mais nous avons montré par ailleurs que dans le développement contemporain quasi exponentiel des outils technologiques, il était tout à fait possible d’envisager que ces outils ou les filières technologiques dans lesquelles ils s’insèrent se développent selon des dynamiques autonomes, même si ce sont des humains qui, en apparence, prennent les décisions de détail. Ces outils se dotent ce faisant de tous les traits pouvant suggérer aux humains de s’en saisir et de les utiliser.


En fait, ce ne sont pas les outils qui prennent seuls de telles décisions. Ce sont les systèmes anthropotechniques au sein desquels ces outils se retrouvent en symbiose avec des humains. Ce faisant cependant les outils modernes acquièrent par sélection darwinienne un indépendance croissante dans leurs capacités à produire sans cesse de nouvelles versions ou processus capables de s’imposer aux mécanismes biologiques et mentaux des humains. On a déjà depuis longtemps constaté que par des « affordances » de plus en plus séduisantes, les objets techniques courants, tels que les automobiles, colonisent véritablement les humains, tant au niveau des individus que des groupes. Mais des technologies encore plus modernes, celles par exemple intéressant l’intelligence artificielle et la robotique autonome, disposent d’aptitudes au développement autonome bien supérieures à celles de l’automobile. Les robots autonomes associés à des humains dans les systèmes anthropotechniques correspondants auront un « pouvoir d’affordance » bien supérieur à celui des tasses à café, et même à celui des automobiles les plus séduisantes.


Il est probable à cet égard que plus la composante technologique des systèmes anthropotechniques sera capable de suggérer des comportements disposant d’un grand potentiel de contagiosité, plus ils seront imités grâce aux neurones miroirs. Les décisions en résultant se produiront initialement dans des aires cérébrales n’appartenant pas nécessairement à ce que l’on nomme l’espace de travail conscient. Mais ensuite elles seront validées et rationalisées au sein de cet espace de travail, c’est-à-dire par ce que l’on nomme la conscience. Ceci se passera à un niveau antérieur à celui-ci.


2. Systèmes anthropotechniques et co-évolution ontophylogénétique des individus et des outils.


Nous avons indiqué en introduction à cet article que la nouvelle théorie de l’ontophylogénèse, présentée récemment par le biologiste Jean-Jacques Kupiec nous parait fournir des explications très fortes au paradoxe selon lequel, technologie par technologie, des individus au départ très différents peuvent se retrouver identiquement dépendants (addicts) des comportements imposées par l’évolution des outils au sein des systèmes anthropotechniques auxquels ils appartiennent. L’analyse doit évidemment tenir compte du fait qu’un même individu peut être membre de systèmes anthropotechniques différents, pouvant s’exprimer dans des intervalles de temps très courts sinon simultanément. Ainsi un addict de l’automobile qui serait en même temps un addict des armes à feu pourrait au cas où son ego d’automobiliste se trouverait agressé par un tiers recourir abusivement à l’emploi d’une arme à l’encontre du prétendu agresseur.


L’anthropologie traditionnelle attribue les grands types de comportements individuels à l’influence des milieux culturels dans lesquels ont été élevés et agissent les individus. Ces milieux culturels comportent, ici et maintenant, un nombre considérables de facteurs déterminants. Beaucoup sont liés au développement des technologies modernes. L’automobile ou la télévision constituent aujourd’hui de tels facteurs dont on se plait à souligner l’importance. On ne peut le nier. Mais il est devenu évident depuis longtemps, grâce aux analyses de la sociobiologie mettant l’accent sur les causes biologiques des comportements, que beaucoup des façons par lesquelles les individus s’adaptent à l’usage de ces technologies dépendent de déterminismes génétiques, acquis et transmis tout au long de l’évolution animale. Ainsi la défense du territoire ou le besoin d’affirmer sa dominance sexuelle ou sociale, qui sont des réflexes très anciens, sont sous-jacents à beaucoup des façons dont sont utilisés de nos jours les outils technologiques.


On considère généralement cependant, dans le cadre du déterminisme génétique néo-darwinien, que les milieux sociaux et les comportements y prenant naissance ne peuvent influencer l’organisation des génomes que dans le cadre des processus longs et aléatoires liés au mécanisme de la mutation/sélection. Autrement dit, les caractères acquis par les phénotypes ne se répercutent que très lentement et difficilement sur les génotypes. Les généticiens ne nient sans doute pas que l’utilisation des premiers outils lithiques et pyrotechniques ait favorisé par mutation-sélection l’évolution génétique des hominiens dont est issu l’homo sapiens moderne. Mais ils refuseraient avec horreur d’imaginer qu’en quelques centaines d’années, voire en quelques décennies, l’évolution des techniques modernes puisse se répercuter sur le sacro-saint programme génétique définissant l’homo sapiens, entraînant des évolutions plus ou moins marquées de ce programme.

Or la théorie de l’ontophylogenèse, vérifiée par un nombre grandissant de preuves expérimentales, nous parait appuyer l’hypothèse selon laquelle se serait, pour parler de façon imagée, de véritables « humains nouveaux », y compris en termes génétiques, qui émergeraient de la cohabitation avec les outils modernes au sein des systèmes anthropotechniques, notamment au sein des plus récents d’entre eux.


2.1. L’expression aléatoire des gènes et les hétéro-sélections


Rappelons que l'on désigne par ontogenèse la genèse de l'individu, la phylogenèse désignant celle de l'espèce. Depuis toujours, on a considéré qu'il s'agissait de deux processus différents, pour lesquels il fallait développer deux théories différentes. Dans la période actuelle on a, d'un côté, pour la phylogenèse, une théorie de l'évolution qui est la théorie néo-darwinienne faisant appel à la sélection des variants apparus lors de certaines mutations et de l'autre côté, concernant l'ontogenèse, l'embryogenèse des animaux adultes qui est sous contrôle, autrement dit qui résulte, de l'expression du programme génétique inclus dans l'ADN.

Jean-Jacques Kupiec s’est élevé avec succès contre cette contradiction. Il a créé le concept d'ontophylogenèse pour signifier qu'il n'existe qu'une seule modalité de développement et que l'on ne doit avoir qu'une seule théorie pour la décrire. Il considère qu'un seul et même processus, celui de la sélection darwinienne des variants apparus au hasard, peut jouer aussi bien dans la formation de l'individu adulte au moment de l'embryogenèse (le darwinisme cellulaire) que dans la sélection des individus adultes capables de survivre aux contraintes de l'environnement et susceptibles d'être regroupés ensuite par un observateur extérieur en catégories homogènes que l'on baptisera espèces par commodité, s'ils présentent des caractères globalement semblables. Il refuse donc de considérer que la construction des individus résulte de l’application d’un programme génétique stricte, selon lequel les gènes sélectionneraient d’une façon déterministe les protéines responsables des différents niveaux d’organisation du corps. Il considère que les gènes s’expriment de multiples façons, sur un mode aléatoire. C’est ce qu’il nomme l’expression stochastique des gènes.

Comme cependant les gènes ne donnent pas naissance à d’innombrables solutions toutes différentes, mais qu’apparaît un certain ordre au niveau macroscopique, il faut qu’interviennent des modes de sélection provenant du milieu extérieur, ce qu’il nomme l’hétéro-sélection. Selon la théorie de l'ontophylogenèse le niveau moléculaire est intrinsèquement aléatoire. On pensait que cela constituait un inconvénient en biologie, en empêchant par exemple l'apparition d'individus viables. Or c'est un avantage car il s'agit d'une réserve de diversité, de plasticité adaptative. Mais cette diversité est contrôlée par les contraintes sélectives qui viennent de l'environnement et qui se propagent dans l'organisme via les structures cellulaires et pluricellulaires constituant une hiérarchie de paliers sélectifs. Cette théorie du darwinisme cellulaire constitue un renversement complet par rapport au principe du programme génétique.

Pour lui le milieu s'intériorise. A un moment donné, les individus disposent d'une certaine structure. Cette structure est le résultat de toute leur histoire passée, qui remonte à la première cellule vivante. Elle est transmise aux descendants dans les cellules germinales. Un œuf, l'ovocyte chez les mammifères, est une cellule déjà hautement structurée. Cette structure est le résultat de contraintes environnementales ayant agi dans l'histoire de la lignée généalogique dont les humains sont le dernier maillon. Cette structure cellulaire va contrôler l'expression des gènes et permettre de réduire et d'orienter la stochasticité inhérente au niveau moléculaire 6).
Mais l’organisation sociale dans laquelle naissent et s’expriment les individus joue aussi un rôle sélectif en réduisant la stochasticité inhérente à tous les niveaux d’organisation des corps et des relations sociétales. C’est ce qui permet selon nous de comprendre le paradoxe évoqué précédemment : pourquoi des humains biologiquement différents parce que résultant de processus aléatoires différents deviennent-ils, lorsqu’ils se trouvent en interaction avec des technologies puissantes, plus ou moins dépendants de l’influence de ces technologies ?


2.2. L’interaction avec les outils techniques modifie de façon continue les phénotypes et les génotypes des humains


Sans en revenir à un Lamarckisme simpliste selon lequel les caractères acquis par les individus dans le cadre de leur adaptation à un certain milieu se transmettraient héréditairement, la thèse de l’ontophylogenèse montre cependant qu’il existe une continuité entre l’évolution des individus imposée par l’adaptation à l’environnement extérieur et la façon dont les gènes tiennent compte et reproduisent les traits adaptatifs ainsi acquis. Nous en déduisons pour notre part que ce processus d’évolution continue permet de comprendre comment, sur un long terme de plusieurs centaines de milliers d’années, l’utilisation des outils a entraîné la transformation des premiers primates bipèdes en humains tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Elle permet aussi de comprendre comment, sur le court terme, sont en train d’apparaître de véritables « hybrides » entre humains et technologies au sein des systèmes anthropotechniques modernes. On remarquera qu’à l’instar de Jean–Jacques Kupiec, nous ne nous engagerons pas dans des discussions sans fin portant sur la question de savoir si ce sont de nouvelles espèces d’hominiens ou d’humains qui ont résulté et résulteront de ces évolutions. Le concept d’espèce, à ce niveau, fut-ce celui d'espèce humaine, représente une construction artificielle, sacralisé par la mythologie. Seules comptent les modifications progressivement introduites dans les lignées reproductrices humaines par les processus darwinien de variation aléatoire et d’hétéro-sélection.


Comme, selon la thèse de l’ontophylogenèse, le processus de modification des génotypes et des phénotypes est continu, sa portée dépendra de nombreux facteurs dont certains seront de plus en plus liés à la dynamique transformationnelle des technologies. Si celle-ci est faible, elle n’entraînera pas à court terme de modifications perceptibles des cultures et surtout des conséquences qui s’imposeront aux phénotypes, c’est-à-dire aux individus. A plus forte raison l’expression des génomes reproductifs n’en sera pas modifiée. Ce sera le cas dans l’exemple évoqué plus haut de la tasse de café. Qu’en sera-t-il de technologies beaucoup plus contraignantes, comme celles associées à l’automobile et aux armes à feu ? Il faudra au cas par cas étudier les modes de sélection de type épigénétique s’imposant soit aux caractères non transmissibles héréditairement des adultes, soit même aux génomes commandant la reproduction de ceux-ci, que ce soit au niveau de la sélection darwinienne des modes d’expression des gènes, soit au niveau des gènes eux-mêmes.


Nous pensons que la thèse de l’ontophylogenèse, correctement utilisée, pourrait permettre de faire apparaître les sélections de détail, apparemment infimes, résultant des contraintes aléatoires liées à l’utilisation des technologies, notamment de celles ayant le plus fort caractère « structurant ». Mais on pourrait montrer que ces sélections de détail, s’accumulant sur des populations nombreuses, induisent des transformations importantes et visibles portant non seulement sur les phénotypes mais sur les génotypes. On pourrait en conséquence envisager sans abus de langage l’apparition continue de nouveaux "humains" au sein des grands systèmes anthropotechniques modernes. C’est déjà le cas concernant la cohabitation des humains actuels avec les technologies contemporaines. Il n’y a plus guère de points communs entre l’homme d’aujourd’hui, fut-il habitant des pays dits pauvres, et celui du début du 20e siècle, ayant-il vécu dans les pays riches de l’époque. Ce sera de plus en plus le cas avec les technologies dites de l’artificialisation, dont nous avons montré par ailleurs la puissance transformationnelle.


Ainsi, dans cette optique, le concept de post-humain ou de trans-humain pourrait-il prendre une consistance scientifique et enrichir celui plus englobant de système anthropotechnique. Mais il faudrait pour cela abandonner l’idée simpliste de la transformation d’une prétendue espèce humaine actuelle en une espèce post-humaine nouvelle. Il faudrait au contraire se placer dans l’hypothèse d’une transformation continue des lignées d’hominiens, en cours depuis l’apparition des premiers bipèdes manieurs d’outils jusqu’à celle des hybrides biotechniques résultant de l’évolution probable des technologies de l’artificialisation.


Notes

1) Le paradoxe du sapiens, Jean-Paul Bayol
2) Giacomo Rizzolati et Corrado Sinaglia. Les neurones miroirs. La version anglaise sur laquelle nous nous sommes appuyés date de 2008, Mirrors in the Brain, How our Minds Share Actions and Emotions. Oxford University Press. La version italienne originale est de 2006.
3) Jean Jacques Kupiec, L’origine des individus, Fayard 2008
4) Diverses observations récentes ont montré, sans faire allusion à la question des neurones miroirs, comment le cerveau incorpore dans ses représentations du corps les outils que celui-ci utilise. Une étude d’Allessandro Farné et d’une équipe de l’Université Claude Bernard à Lyon vient de le confirmer. http://www.scienceblog.com/cms/brain-represents-tools-temporary-body-parts-study-confirms-22536.html
5) JJ Gibson The Ecological Approach to Visual Perception, Houghton Mifflin 1979
6) Certains biologistes, tout en saluant le caractère novateur de la thèse de Jean-Jacques Kupiec, se refusent à abandonner totalement le concept d’un programme qui déterminerait de façon linéaire le développement des individus. Ainsi en est-il d’un article de Eric Werner paru dans Nature (vol 460/2 juillet 2009) présentant la version anglaise de l’Origine des individus. Cela tient selon nous, dans ce cas, à ce que Werner ne prend pas suffisamment en considération le poids sélectif des environnements complexes dans lesquels se développent les phénotypes, environnements construits sur le mode stochastique par l’activité antérieure de ces mêmes phénotypes.

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commentaires

J
Réponse à Marguerite L.Merci vivement de votre commentaire pertinent. Le thème de mon article n'est pas très nouveau. Il se trouve conforté par des découvertes récentes auxquelle je fais allusion. Concernant la mémétique, dont je suis sinon un inconditionnel du moins un fan, je croyais y avoir fait allusion dans l'article, à propos des neurone smiroirs. Mais effectivement....
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M
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Magnifique article qui démontre comment la mise en commun de concepts élaborés dans des domaines scientifiques à priori complètement distincts, biologie moléculaire et génétique, neurosciences (étude des fonctions des neurones miroirs, de la physiologie du mouvement et de la décision, permettent d'élaborer une nouvelle vision anthropologique.<br />  <br /> Il semble que Pierre Bourdieu avait déjà une intuition de ce type ,quand il parle d'incorporation des faits sociologiques :<br /> S’intéresser aux processus d’incorporation, c’est-à-dire à l’« apprendre par corps », revient à postuler que, en premier lieu, cet apprentissage n’est pas nécessairement formel, conscient, mais relève plus largement de la socialisation – il est à l’œuvre dans la socialisation primaire et dans la socialisation secondaire (Berger et Luckmann, 1966), par exemple à travers les postures du corps, les conduites motrices apprises par mimétisme d’autrui ou liées à des préceptes comportementaux (« un petit garçon ne pleure pas », etc.) – ; en second lieu, les « pédagogies » explicites ou implicites du corps, mobilisées dans les modes de socialisation, font appel aux registres de la cognition. <br /> L’incorporation comme « fait social »<br />  « Les processus d’incorporation dépendent d’une assimilation/appropriation des propriétés de relations sociales où des gestes, des comportements, des manières de parler, de penser et d’agir sont « attrapées » par les individus socialisés. Reposant largement sur des mécanismes d’identification, d’imitation et de mimétisme se mettant en œuvre généralement dans une action (en « faisant » des choses) et/ou en regardant les autres agir, l’incorporation peut donc finalement se définir comme étant la saisie corporelle/motrice/sensitive de gestes physiques et de comportements cognitifs se déroulant dans des rapports sociaux spécifiques. Ce ne sont donc pas des réflexes, des automatismes, et encore moins des « images » ou des représentations mentales qui s’incorporent, mais des comportements « typiques », c’est-à-dire des façons de faire, de voir, de penser, de personnes que l’on côtoie régulièrement (Merleau-Ponty, 1964). Ces comportements sont néanmoins réappropriés par chacun en fonction de ses expériences antérieures, et réajustés aux lieux et temporalités de la pratique, aux autres et/ou aux objets en présence. De fait, ce qui s’incorpore n’est pas des « structures sociales » ou des « capitaux » (symboliques, culturels) transmis dans la famille, par l’école ou par une autre instance socialisatrice, mais « des rapports au monde social et aux autres, des manières d’agir dans des situations particulières, avec les autres et les objets » (Lahire, 1998). » http://www.passant-ordinaire.com/revue/42-504.asp<br /> Est-ce volontairement que vous ne parlez jamais de contagion « mémétique », mais seulement d'imitation ?<br /> Marguerite Desiles<br />
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