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Cet ensemble de textes a été conçu à la demande de lecteurs de la revue en ligne Automates-Intelligents souhaitant disposer de quelques repères pour mieux appréhender le domaine de ce que l’on nomme de plus en plus souvent les "sciences de la complexité"... lire la suite

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31 janvier 2014 5 31 /01 /janvier /2014 12:17

Our Mathematical Universe : My Quest for the Ultimate Nature of Reality
Max Tegmark
(20
14)

Alfred and Knopf

Présentation et discussion
par Jean-Paul Baquiast 29/01/2014

NB. Le texte ci-dessous se limite à la partie Présentation

C'est d'ailleurs grâce à de trop rares chercheurs comme lui que l'Europe a pu se donner une place remarquable dans l'observation astronomique et cosmologiste. Citons le satellite Planck de l'Agence spatiale européenne dont les résultats sont en train de confirmer les hypothèses les plus audacieuses concernant notre univers. Plutôt que s'interroger sans fin sur l'avenir de l'Europe, les responsables politiques européens devraient tout faire pour multiplier les structures permettant de faire naître et se développer de tels esprits.

Tegmark sur Wikipedia (anglais) http://en.wikipedia.org/wiki/Max_Tegmark

Introduction

Indiquons rapidement en introduction que le livre du cosmologiste Max Tegmark, écrit en anglais courant et sans équations, est parfaitement lisible. Il propose, pour un lecteur n'ayant pas d'idées claires en cosmologie et en physique quantique, compte tenu de la prolifération des articles écrits sur ces sujets, un résumé très convenable de ces deux sciences, indispensable pour comprendre le reste. Mais là n'est pas son mérite, qui est à la portée de tout vulgarisateur.

Le livre fait bien plus, d'où le succès qu'il commence à rencontrer. Il pousse aux limites, en matière de physique et de cosmologie, les hypothèses scientifiques, ceci jusqu'aux frontière de la mythologie ou, diraient certains , de la science fiction. Ce faisant, il ne s'embarrasse pas du fait que ces hypothèses ne sont pas vérifiables aujourd'hui, qu'elles pourraient même ne jamais l'être. L'essentiel pour lui est de rester dans le domaine de ce que nous pourrions appeler d'une façon vague le scientifiquement vraisemblable.

L'ouvrage et la démarche devraient, pensons nous (mais peut-être à tort), marquer de façon indélébile la façon dont les citoyens de l'actuelle "société scientifique" pensent le monde et se pensent eux-mêmes dans ce monde. Précisons que nous appelons société scientifique celle qui reconnait la valeur irremplaçable de la science expérimentale, en se distinguant ainsi des sociétés dans lesquelles des mythes essentiellement religieux imposent leur vision du monde et des humains.

Prenons un exemple. Ce serait faire de la science-fiction que décrire des voyages dans le temps réalisés par des humains d'aujourd'hui. Ce ne l'est plus d''évoquer comme une quasi certitude le fait qu'au delà des frontières de l'univers observable existent d'innombrables galaxies, soleils et planètes, certaines de ces dernières pouvant abriter de la vie. Ce ne l'est pas davantage que proposer l'existence, au delà de notre univers, d'univers différents ou proches qui se seraient formés de la même façon que probablement le nôtre, à partir de fluctuations d'une matière primordiale obéissant ou non aux lois de notre physique.

Mais quel intérêt, dira-t-on, que se livrer, même au nom de la science, à de telles spéculations, pour la plupart aujourd'hui invérifiables ? Parce qu'il s'agit du propre de l'esprit humain que procéder ainsi. Si Giordano Bruno puis Galilée n'avaient pas, ce qui était pour leur temps inimaginable, fait l'hypothèse de mondes extra terrestre, ils n'auraient pas été persécutés par l'Inquisition, mais l'astronomie n'aurait pas progressé. Il est évident que nous avons besoin aujourd'hui de l'équivalent d'esprits comme les leurs pour faire évoluer notre vision du monde, c'est-à-dire très précisément nous faire échapper aux mots d'ordre et aux ordres des pouvoirs religieux et économiques qui veulent borner nos esprits afin de mieux les dominer.

Nous nous proposons de commenter le livre en deux parties, l'une consacrée à un effort de présentation, en langage courant, des thèses de Tegmark, l'autre esquissant un début de discussion. On trouvera en note de fin de page des critiques beaucoup plus détaillées et sans doute aussi plus pertinentes que la nôtre. Merci cependant de votre attention

I. Présentation

Le livre, bien qu'il ne les sépare pas explicitement mais au contraire les lie, propose deux concepts jugés généralement relever de la philosophie la plus spéculative. Le premier est celui du multivers, selon lequel la notion d'univers multiples constitue la seule façon scientifique de se représenter notre univers et sa place dans un environnement cosmologique plus large dont il ferait partie. Le second est celui de l'univers mathématique. Tous les univers, dont le nôtre, exprimeraient des structures mathématiques fondamentales en dehors desquelles il n'y aurait pas de réalité profonde.

Pour la clarté de ce court article, nous discuterons séparément ces deux concepts encore que, répétons-le, dans l'esprit de Tegmark, il s'agit de deux approches liées de la réalité. Dans les deux cas, Tegmark n'a rien inventé. Les deux concepts remontent souvent à l'Antiquité et se sont généralisés depuis un siècle, avec l'explosion de la physique moderne. Mais ce qui est intéressant dans le livre est que l'auteur ne les présente pas comme des hypothèses à discuter et à vérifier expérimentalement. Il en fait – si l'on peut employer le terme – des certitudes auxquelles il « croit » personnellement et auxquelles il nous invite à croire, afin de les utiliser sans attendre dans les développements de la science.

Les multivers

Tegmark s'appuie dans ses propositions sur une science, ou métascience, qu'il connait bien, la cosmologie. Aux débuts de sa carrière, il avait personnellement développé divers outils permettant entre autres d'analyser et d'interpréter les observations des satellites Wilkinson puis Planck portant sur le rayonnement micro-ondes du fonds de ciel, dit fonds diffus cosmologique. Ce rayonnement, aussi étonnant que cela ait pu paraître initialement, est désormais considéré par tous les scientifiques sérieux comme le témoin, non d'un problématique Big Bang, mais de l'univers extrêmement chaud et dense tel qu'il était lorsque, de plasma impénétrable il est devenu transparent, autrement dit lorsque, grâce à l'expansion, les photons de la lumière aient pu commencer à y circuler. Le fonds diffus cosmologique fournirait donc une image de notre univers quelques 380.000 ans après sa naissance. Bien plus, il est aussi considéré par la plupart des scientifiques comme illustrant un événement initialement proposé par le physicien Alan Guth pour expliquer l'homogénéité observée de la distribution de la matière dans notre univers. Il s'agissait de l' « inflation » ou expansion très rapide du volume de l'univers (par un facteur de 1078 en un temps de 10-30
secondes)

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Vue instantanée de la première lumière, émise et imprimée sur le ciel 380 000 ans après le big bang. Les minuscules fluctuations de température correspondent aux concentrations de matière, graines d’étoiles et galaxies.
@ ESA and the Planck Collaborati
on

Longtemps refusé par les cosmologistes, ce phénomène d'inflation est désormais admis. Inutile de souligner qu'il est parfaitement invraisemblable au regard de ce que nous connaissons du monde terrestre. Il entraîne différentes conséquences qui sont scientifiquement observables et qui le rendent indispensable aux yeux de la plupart des théoriciens. Cette inflation, après s'être calmée pendant plusieurs milliards d'années, pourrait avoir repris récemment et être responsable de la nouvelle expansion de l'univers récemment observée, bien plus lente pour le moment que la première et que certains attribuent à une mystérieuse « énergie noire ». Pour Tegmark, l'inflation, sous ses différentes formes, est inséparable de la structure profonde de l'univers.

Il faut s'arrêter une seconde sur cette question de l'inflation. La cosmologie n'est pas pauvre en observations qui sont contraires au sens commun mais qui s'expliquent par les lois générales de la physique. Ainsi en est-il des trous noirs. Il n'est plus possible aujourd'hui de pratiquer une cosmologie quelque peu sérieuse sans tenir pour réels de tels phénomènes, même s'ils sont impossibles à comprendre en profondeur. Il en est désormais ainsi de l'inflation. Pour Tegmark, ce concept désigne un mécanisme qui n'est pas limité à l'histoire de notre univers, mais qui pourrait justifier l'hypothèse selon laquelle, dans un cosmos qui s'étend sans cesse, d'autres univers aient pu apparaître dont nous n'aurions pas connaissance, du fait qu'ils sont trop lointains pour que leur lumière ait pu nous parvenir. La création de notre univers et l'inflation en résultant seraient nées de fluctuations quantiques à partir du « vide quantique » Elle pourrait être éternelle. Rien de tout ceci n'est aberrant en termes de physique quantique.

Concernant le multivers, ou si l'on préfère, les multivers, Tegmark propose une taxonomie qui devrait nous permettre d'organiser le zoo des univers parallèles imaginés par les promoteurs de ces hypothèses. Ceci lui permet de concilier des approches initialement très différentes. Il faut d'abord prendre en considération un niveau I, le Multiverse. L'idée comme nous l'avons indiqué plus haut, est généralement acceptée par de nombreux cosmologistes. La rapidité de l'inflation vécue par notre univers aurait pu créer des espaces analogues à celui-ci, avec les mêmes lois fondamentales, mais sans doute plus réduits, si loin qu'aucune lumière ne peut nous en parvenir. Il s'agirait donc d'autres univers. Tegmark explique évidemment dans le livre ce en quoi consistait exactement l'inflation et par quels mécanismes elle aurait pu créer dans l'espace temps de la matière à partir de rien...ou presque. Renvoyons le lecteur à l'ouvrage pour ces développements.
.
Un deuxième niveau de Multivers, niveau II, hypothèse proposée par le physicien Alexandre Vilenkin et d'autres, nous projette en dehors de notre univers et de son inflation. Il généralise à un cosmos plus étendu, peut-être infini, le concept d'inflation et même celui d'inflation éternelle. Celle-ci à son tour créerait des espaces ou univers s'éloignant du nôtre à des vitesses supérieures à celle de la lumière. Ils seraient donc radicalement inobservables, mais n'en seraient pas moins aussi réels que le nôtre. Leurs lois fondamentales pourraient être différentes des nôtres.


Vient ensuite, dans la taxonomie de Tegmark, le Niveau III de multivers. Il correspondrait à une hypothèse depuis longtemps proposée en mécanique quantique par le mathématicien Hugh Everett mais longtemps refusée, dite des mondes multiples. Selon Everett, lorsqu'un observateur observe une entité quantique et résout sa fonction d'onde, il ne réduit pas cette entité à l'une seule des dimensions qu'elle possédait initialement en superposition. L'entité conserve ses deux états, mais l'observateur est dédoublé dans un univers parallèle où il retrouve l'état de l'entité qui existait avant l'observation en superposition avec l'état qu'il a observé.

Les physiciens quantiques ont du mal à admettre cette interprétation. Elle oblige en effet à accepter l'existence d'une infinité d'univers se générant en ramifications complexes, chacune comportant un double de l'observateur initial. Si l'on admet par ailleurs que les observateurs, humains ou autres sont infinis, et qu'il se crée une branche d'univers à chacune de leurs observations, l'on se retrouve dans une situation que certains n'hésitent pas à qualifier de complet délire, un nombre effectivement infini d'univers et d'observateurs dédoublés. Pour notre part, nous pensons que cette solution est une solution de facilité, évitant de rechercher d'autres interprétations plus « réalistes » à la question de la résolution de la fonction d'onde .

Les univers mathématiques

Dans la suite de sa taxonomie des multivers, Tegmark aborde avec ce qu'il nomme le Niveau IV de Multivers une approche assez différente, bien qu'il ne semble pas s'en apercevoir. Il s'agit en fait de traiter la question de savoir si comme l'indique le titre de l'ouvrage, l'univers est mathématique. Il insère cette question, examinée depuis l'antiquité par de nombreux penseurs, dans la suite de son recensement des multivers, mais la question peut déjà être évoquée à propos de notre seul univers.

Il s'efforce de démontrer que la réalité n'est pas seulement descriptible en termes mathématiques – ce que personne ne conteste, du moins en principe. Il affirme que la réalité est mathématique et n'est pas autre chose. Encore faut-il s'entendre sur ce que comprend ce terme de réalité.

Echiquier. Les relations entre les pièces peuvent ne pas s'inscrire dans un plan


Pour cela, il est conduit à déshabiller le concept de mathématiques de toutes les fioritures qui l'accompagnent, pour en venir à son essence. Il prend l'exemple de la position des pièces sur un échiquier. Ce qui définit cette position dans le langage des échecs n'est pas la nature physique des pièces ou de l'échiquier, ni même la nature de l'image par laquelle elles sont représentées. C'est la relation mathématique entre ces pièces et l'échiquier. Elle peut être exprimée par un ensemble de symboles, mais plus abstraitement encore, dans le langage numérique, par des suites de zéro et de un. C'est d'ailleurs de cette façon que les ordinateurs jouent aux échecs. Mais même au niveau de l'ordinateur, ces suites de nombres binaires sont encore trop précises pour permettre de visualiser les relations entre les pièces et l'échiquier. Il faut en venir, si l'on peut dire, à l'essence de ces relations, en la dépouillant de toutes les formes permettant de les visualiser. Cette essence est mathématique.

Résumons ici l'essentiel de sa démarche. Il constate que depuis l'antiquité, les observateurs se sont toujours étonnés de voir les mathématiques si bien décrire le monde physique. C'est la question que s'était posée, en 1960, le physicien Eugène Wigner dans un célèbre article : " La déraisonnable efficacité des mathématiques "... Il posait le problème, mais ne l'expliquait pas en profondeur. Tegmark poursa part remarque que, depuis la préhistoire, les physiciens n'ont pas cessé de découvrir dans la nature des formes, des patterns et des régularités qui peuvent être décrites par des équations mathématiques.

Par ailleurs le tissu même de la réalité physique contient des douzaines de nombres pures à partir desquelles toutes les constantes observées peuvent en principe être calculées. Certaines entités physiques tel que l'espace vide, les particules élémentaires ou la fonction d'onde, semblent purement mathématiques, en ce sens que leurs propriétés intrinsèques sont des propriétés mathématiques. Il en déduit la possibilité de formuler ce qu'il nomme l'Hypothèse d'une Réalité Extérieure physique complètement indépendante des humains. En utilisant une définition assez large des mathématiques, cette première hypothèse en implique une autre, l'Hypothèse de l'Univers mathématique selon laquelle notre monde physique serait une structure mathématique. Ceci signifie que ce monde physique n'est pas seulement descriptible par les mathématiques mais qu'il est mathématique. Les humains seraient dans ce cas des composantes conscientes d'un gigantesque objet mathématique.

Une structure mathématique est un ensemble abstrait d'entités reliées entre elles par des « relations ». Elle n'a pas de propriétés autres que ces relations. Par contre, elle peut avoir à l'intérieur de cet ensemble des caractéristiques intéressantes, telles que des symétries. Mais ces entités et ces relations n'ont pas de propriétés intrinsèques. Il en résulte que la nature ne peut pas être expliquée en recherchant jusqu'à l'infini les propriétés de ses composantes ultimes, maisseulement les relations entre ces composantes.

Ainsi, pour Tegmark, le monde physique est un objet mathématique que nous identifions et construisons petit à petit. Nos théories physiques sont des approximations réussies, car les structures mathématiques qu'elles utilisent sont de bonnes approximations de structures mathématiques complexes. Dans ce cas, l'efficacité des mathématiques n'est plus mystérieuse : les objets mathématiques que nous employons pour comprendre le comportement de l'Univers deviennent de plus en plus efficaces parce qu'ils sont de plus en plus proches de ce que l'Univers est vraiment. Tegmark nomme cette approche le réalisme structurel, qui s'oppose au non-réalisme selon lequel la réalité n'existe que dans l'esprit de l'observateur, et au réalisme naïf (ou des essences) selon lequel il a de tous temps existé un réel que l'homme peut décrire par différents moyens d'observation.

Or, pour en revenir aux multivers, le réalisme structurel nous conduit directement au multivers de Niveau IV. Tegmark croit pouvoir postuler que les mathématiques de notre univers ne constituent qu'une structure mathématique parmi une infinité d'autres structures concevables, celles correspondant notamment (mais pas exclusivement) aux mathématiques inventées par les mathématiciens théoriciens dans un travail de découverte ou de construction qui ne cesse de s'étendre. Or si notre structure mathématique d'ensemble constitue un univers, le nôtre, pourquoi les autres structures ne correspondraient-elles pas à d'autres univers ? Tegmark peut alors faire l'hypothèse que toutes les structures mathématiques imaginables existent physiquement sous la forme d'univers parallèles, constituant le Multivers de Niveau IV évoqué ci dessus.

Au delà du cas simple d'un échiquier, mentionné ci-dessus, Tegmark donne l'exemple des structures mathématiques correspondant à ce que la physique appelle l'espace, les particules élémentaires ou la fonction d'onde. Existe-t-il de telles entités dans la nature, susceptibles d'être identifiées et observées comme une table ou des chaises, ou même comme un échiquier. Certainement pas. Il s'agit seulement de relations mathématiques entre éléments de la nature. On ne peut pas visualiser l'espace, qu'il s'agisse de l'espace euclidien, de Minkowski ou de Hilbert. Pourtant la définition mathématique de tels espaces est inséparable de notre univers quotidien, sous ses divers aspects, univers newtonien, univers einsténien ou univers quantique.

De même, il n'est pas possible de visualiser des particules élémentaires, quelles que soient leurs noms, contrairement ce que pense le grand public. Il n'existe que des relations mathématiques entre éléments microscopiques de la nature. Ainsi personne ne verra jamais, enfermé dans une éprouvette, le fameux boson de Higgs. Si ces relations étaient différentes, l'univers tel que nous le connaissons serait différent. Enfin la fonction d'onde, bien que plus abstraite, ne peut pas davantage être visualisée. Certains théoriciens se sont demandés si elle ne vivait pas comme un être autonome, quasiment observable, au sein d'espaces de Hilbert. La réponse est évidemment négative. Cependant les relations mathématiques entre les éléments visés par la fonction d'onde sont indispensables à la définition de tous les objets microscopiques et macroscopiques qui caractérisent notre univers.

Nous avons cité dans un article précédent un chercheur qui se demande s'il pourrait exister un univers dans lequel les structures mathématiques permettraient l ' « existence » de la racine carrée de – 1, qui n'est pas possible dans notre univers. Il a répondu par l'affirmative. Un tel univers doit certainement exister quelque part et il serait très différent sans doute du nôtre. (Voir notre article « l'univers est-il mathématique ? » ). Se serait-il inspiré de Tegmark - ou l'inverse ?

Les humains conscients sont des structures mathématiques

Cette question est inévitable dans la compréhension du caractère mathématique de l'univers. Ici comme dans les autres domaines de la science, et notamment de la physique quantique, il s'établit nécessairement un lien entre l'observateur, les instruments qu'il utilise et l'entité observée. Beaucoup de cosmologistes l'oublient. Ils discutent du cosmos en paraissant ne pas tenir compte du fait que ce sont, non seulement leurs observatoires, mais leurs cerveaux qui reçoivent et traitent les informations recueillies par l'observation. Nous reviendrons sur cette question dans la deuxième partie de notre présentation. Tegmark ne cherche pas à éviter la question. Pour cela il se place dans l'univers mathématique qui est celui des êtres vivants et notamment des humains, c'est-à-dire l'espace à quatre dimensions ; trois dimensions de plan et une de temps. Cet espace, continuellement utilisé, reste cependant difficile à représenter, non seulement sur un plan, mais au niveau de notre imagination.

Tegmark le fait (renvoyons le lecteur au livre). Disons ici que pour cela il dessine un univers fait des couches superposées des trois dimensions du plan. C'est l'empilement de ces couches qui marquent le temps. Pour connaître l'état de l'univers au temps t, il suffit d'extraire l'une de ces couches afin d'observer son contenu. Ceci peut être fait, que ce soit vers le haut ou vers le bas, autrement dit vers le futur ou vers le passé. Il en tire la conclusion que le temps n'existe pas d'une façon absolue, mais découle des relations s'organisant entre les entités peuplant cet espace. On notera que cette conception est à l'opposé de celle de nombreux chercheurs (notamment Lee Smolin) pour qui ce n'est pas l'espace qui constitue si l'on peut dire la réalité première du cosmos, mais le temps.

Dans un tel espace-temps, il est possible de construire les trajectoires que décrivent les entités vivantes au sein dudit l'espace temps. Ceci concerne évidemment aussi les humains et leur cerveau, produisant des faits de conscience. Toujours dans la perspective de déshabiller les structures mathématiques de tous les « détails » empêchant de se les représenter (rappelons l'image du jeu d'échec précédemment évoquée), il propose de considérer les humains conscients comme constitués de particules élémentaires évoluant d'une façon coordonnée dans l'espace-temps. Analyser leurs trajectoires et éventuellement les reconstruire permet de simuler un être conscient.

Biologistes et neurologues critiqueront le « réductionnisme » d'une telle approche, l''essentiel de leurs sciences visant au contraire à démonter que les cellules vivantes, et a fortiori les organismes et les cerveaux, ne peuvent être ramenés au jeu des cellules ou des atomes qui les composent.
Mais pour Tegmark le propre des structures mathématiques est de pouvoir s'organiser dans l'espace temps en ce qu'il appelle des tresses. Il propose d'ailleurs des constructions graphiques montrant qu'à la naissance d'un être vivant, les trajectoires des atomes dont il est fait s'organisent en tresses qui se dénouent à sa mort. Ceci ne fait pas nécessairement appel à la notion de temps, puisque pour chacune des tranches superposées constituant l'espace-temps, il est possible de calculer ce en quoi consiste la structure mathématique résultant de l'association des différentes structures élémentaires composant cet être vivant.

Il est évident que si l'on généralise cette façon de voir les choses à l'ensemble de l'univers, voire à l'ensemble du multivers, en acceptant de les considérer comme des tresses de structures mathématiques correspondant à leurs différents éléments, il devrait être possible d'obtenir une formule mathématique (éventuellement simple) permettant de représenter l'ensemble, voire le manipuler . C'est l'ambition, comme le rappelle l'auteur, des physiciens théoriciens qui s'efforcent d'établir une « Théorie du Tout » dite parfois M. Théorie. L'enjeu est considérable, certains diront même qu'il est hors de portée de la science. Mais il serait sans doute cependant plus facile à atteindre qu'identifier des univers à jamais inobservables de façon scientifique.

Quoiqu'il en soit, ces considérations, dans l'esprit de Tegmark, bouclent la boucle de la démarche consistant à postuler, non seulement que le cosmos est descriptible par les mathématiques, mais qu'il est fondamentalement mathématique, y compris les humains qui en discutent.
Inutile de dire que les thèses ou hypothèses évoquées par le livre ont fait depuis longtemps, avant même Tegmark, l'objet d'intenses discussions dans la communauté scientifique. Pour ce qui le concerne ; Tegmark est même considéré par certains, non comme un imposteur, mais plutôt pour une sorte de fousympathique mais quelque peu délirant.

Sans procéder pour notre part à de telles discussions et jugements, ce qui dépasserait nos capacités, nous allons dans la seconde partie de cette présentation évoquer quelques unes des questions non résolues ou insuffisamment approfondies que le livre selon nous devrait conduire tout lecteur quelque peu informé de l'état actuel de la science à se poser.

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( à suivre )

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