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A paraître
Présentation par Jean-Paul Baquiast 21/01/2012
Nous avions il y a quelques années donné sur le site Automates Intelligents un large écho à la thèse dite de la
Singularité, brillamment défendue par l'inventeur et futurologue américain Ray Kurzweil. (voir notre présentation de son ouvrage The Singularity is near, Penguin Book 2005) Rappelons en deux mots que pour les tenants de cette façon de voir
l'avenir, réunis désormais dans le Singularity Institute, les développements exponentiels et convergents des nouvelles sciences et des comportements
associés devraient résoudre dans les prochaines décennies les problèmes de rareté et de pollution actuellement pronostiqués par les scientifiques non moins respectables qui annoncent
l'effondrement des civilisations anthropotechniques.
Pour notre compte, devant l'accumulation des tensions entre la consommation-gaspillage des ressources et les capacités de réponse de la planète, nous avions fini par penser que les
pronostiqueurs du « collapse global » étaient plus crédibles que ceux de l'abondance par la Singularité. Cette dernière n'est-elle pas un mythe suggéré par les oligarchies détentrices
des richesses et des connaissances pour calmer les revendications et les révoltes de ceux se voyant enfermés à vie dans un futur sans espoir.
Pour être objectif, il faut cependant observer que les apôtres de cette véritable religion laïque qu'est la Singularité n'ont pas renoncé à se battre pour rendre crédible et donc faire vivre
leur foi en un avenir potentiellement meilleur. Sans se départir d'un regard critique à leur égard, il faut néanmoins s'efforcer de les entendre.
Pour cela, ceux qui ne suivent pas de près les travaux et conférences de l'Institut de la Singularité pourront mettre à
jour leurs connaissances par la lecture d'un ouvrage à paraître, déjà très commenté, « Abundance, The Future Is Better Than You Think » . Dans ce livre, les auteurs Peter H.
Diamandis (président de la X-Prize Foundation et cofondateur de la Singularity University) et l'écrivain scientifique Steven Kotler se livrent à un très efficace travail de
communication pour convaincre le lecteur des raisons qu'il devrait avoir de croire en l'avenir.
Ils insistent à cette fin sur ce qu'ils nomment quatre forces émergentes susceptibles de changer le monde. La première et sans doute la plus importante repose sur le développement exponentiel
des technologies émergentes déjà abondamment évoquées par Ray Kurzweil. Mais qui dit technologies émergentes ne dit pas technologies déjà en voie d'émergence. Ce concept doit inclure,
conformément à la thèse néodarwinienne de la mutation créatrice, l'apparition non prévisible de nouvelles solutions auxquelles personne n'a encore pensé et qui naitront du bouillonnement
chaotique des intelligences. Plus le milieu sera ouvert et communiquant, plus ces inventions auront de possibilités pour se développer et faire apparaître de nouvelles ressources. Refuser ce
postulat serait impensable de la part d'un esprit scientifique nourri à la philosophie des Lumières.
Forces émergentes socio-politiques
Les autres forces évoquées par les auteurs relèvent de l'analyse sociologique ou même sociologico- politique. Elles
reposent sur l'hypothèse que les technologies émergentes seront exploitées par des dynamismes sociaux qui leur donneront à la fois leurs ressorts et leur portée.
Il s'agira de trois moteurs d'innovation qu'ils nomment dans l'esprit un peu messianique propre à l'Amérique « L'inventeur Domestique » (pour traduire le terme de « DO It
Yourself Innovator », le « Technophilanthropisme » et le Milliard de ceux qui veulent s'en sortir ( le « Rising Billion »). Globalement il s'agira de tous
les individus, riches ou pauvres et les petites entreprises (nous pourrions ajouter le monde des activités associatives et solidaires) qui vont se saisir des opportunités offertes par la
créativité scientifique et technologique pour faire apparaître de nouveaux processus ou de nouveaux outils. Ceux-ci devraient non seulement procurer de nouvelles ressources, mais résoudre les
conflits avec l'environnement résultant d'un accroissement de la demande globale.
Les auteurs donnent de nombreux exemples du surgissement d'initiatives qu'ils pronostiquent, dans le domaine de la santé, de l'agriculture, de l'énergie, de la dépollution...Ainsi en serait-il
des « fermes verticales » qui devraient remplacer l'agriculture traditionnelle par des techniques utilisant 80% moins de terre, 90% moins d'eau, 0% de pesticide et 0% de coûts de
transport – tout en occupant d'une façon intelligente des milliers d'actuels chômeurs.
Ces inventions reposeront en grande partie sur le sens de l'intérêt collectif qui devrait animer ceux qu'ils nomment les technophilanthropes – dont tous ceux qui s'investissent dans la
diffusion des connaissances à travers l'Internet gratuit donnent des exemples. Mais elles reposeront aussi sur le cerveau global constitué par les centaines de millions de citoyens qui voudront
faire travailler leur imagination au service de leur propre survie, sans faire appel à la conquête et au pillage comme beaucoup sont aujourd'hui tentés de le faire. Il pourra s'agir des plus
pauvres, décrits comme le milliard des travailleurs à 2 dollars, dès qu'ils utiliseront les réseaux pour se regrouper et investir.
Le livre ne donne pas les outils qui permettraient de mesurer les impacts globaux, tant sur les ressources et l'environnement que sur la satisfaction des besoins, résultant d'une explosion (non
chiffrée) de telles inventions. On pourra donc rester sceptique, mais surtout y voir une tentative politique pour sauver le rêve américain en péril aujourd'hui, par un appel renouvelé à ce qui
en était le pilier, la libre entreprise et la libre invention – y compris à l'égard des restrictions imposées aux inventeurs par le capitalisme financier détestant la prise de risque.
On y verra aussi, plus globalement, une tentative pour sauver le Système, défini par les militants du mouvement Occupy
comme opposant 5% d'hyper-riches à 95% de pauvres. L'appel aux milliardaires philanthropes (?) pour sauver le monde, tels par exemple ceux qui comme Richard Branson (groupe Virgin)
s'investissent dans de nouvelles formes d'industries spatiales, paraîtra bien naïf.
Il serait cependant léger de se détourner du message roboratif ainsi proposé, au profit d'un pessimisme systématique qui ne serait pas davantage fondé. Le futurologue doit garder en l'esprit
que tout peut arriver et que notamment le passé ne commande pas le futur. Ce ne sera pas en restant les mains dans les poches que l'on pourra survivre.
Pour en savoir plus Abundance. The book,
avec un exposé video de Peter Diamandis (anglais) http://abundancethebook.com/