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7 novembre 2013 4 07 /11 /novembre /2013 19:20


Jean-Paul Baquiast 07/11/2013



Archeae dans un milieu marin. L'obscurité de l'image symbolise assez bien les mystères entourant ces cellules

Nous avions en temps utile signalé le rôle que les paléobiologistes attribuent aux archaea ou archées dans le développement de la vie sur la Terre (voir notamment http://www.automatesintelligents.com/echanges/2009/fev/darwin.html). Ces organismes sont considérés aujourd'hui comme des formes de vie spécifiques, à distinguer des bactéries et des organismes multi-cellulaires (eucaryotes). Il n'est toujours pas possible de préciser comment les archaea seraient apparues sur la planète, autrement dit de quel processus, proche ou non de celui caractérisant les bactéries et les eucaryotes, elles ont pu bénéficier .

L'hypothèse selon laquelle trois formes de vie différentes auraient pu, par des processus différents, se développer sur Terre, serait particulièrement intéressante. Elle pourrait soutenir l'idée que, sur une planète habitable, la vie peut provenir d'origines multiples, éventuellement dans certains cas à partir de composants prébiotiques venus de l'espace (cf notre article Les molécules de la vie prennent leur origine dans l'espace ). D'ou l'intérêt d'essayer d'en rechercher des traces dans le système solaire, en premier lieu sur Mars, au sein de zones éventuellement propices.

Aujourd'hui, bien que plus ou moins dissemblables, les 3 formes de vie connues ont réussi à coexister, voire à former des symbioses. Ceci n'exclut pas que d'autres souches moins bien armées aient été éliminées dès les origines. Les archaea sont particulièrement bien représentées dans les milieux extrêmes, comme dans le fonds des mers où, avec certaines formes de bactéries dite extrémophiles, elles constituent les seules formes de vie active. D'où l'hypothèse qu'elles aient été les premières à coloniser la Terre primitive.

Elles ne sont pas encore étudiées avec les moyens importants consacrés aux bactéries et cellules à noyau, d'autant plus qu'elles ne se reproduisent pas en laboratoire. C'est pourquoi les chercheurs qui dorénavant s'attachent à les observer dans leur milieu naturel devraient avoir l'occasion de faire des découvertes intéressantes, susceptibles même de modifier en profondeur l'idée que l'on se fait de la vie, y compris sous ses formes récentes. Avis aux jeunes scientifiques !!

C'est ainsi qu'une équipe dirigée par la Pr Karen Lloyd, de l'Université du Tennessee, à Knoxville, a montré en 2013 que les archaea pouvaient se nourrir dans les fonds sous-marins en dégradant les protéines qui s'y trouvent sous forme de déchets. Elles utilisent des enzymes extracellulaires secrétées par elles, selon des commandes génétiques spécifiques. Le processus est plus efficace que ceux utilisés par les bactéries et les autres cellules, qui relèvent du cycle alimentaire classique. D'où une adaptabilité plus grande en ces milieux extrêmes. 1)

En 2013 également une équipe dirigée par le Dr Thorsten Allers, de l'Université de Nottingham (UK) a montré que les archeae Haloferax volcanii (image) que l'on trouve notamment dans un autre milieu inhospitalier, les mers très salées (en l'espèce la Mer Morte), peuvent se reproduire en court-circuitant les processus de réplication de l'ADN décrits dans le modèle universel découvert par François Jacob en 1963. Elles y gagnent une plus grande aptitude à se multiplier, ce qui là encore augmente leur adaptabilité. Leur aptitude au transfert horizontal de gènes avait précédemment été observée. 2)

On pourrait se demander pourquoi, dotées de ces propriétés, les archaea n'ont pas éliminé les autres formes de vie. C'est sans doute parce que les processus en cause manquaient de la souplesse nécessaire pour se généraliser dans des conditions d'environnement différentes.

Quoiqu'il en soit, les archaea, selon beaucoup de chercheurs, ne se sont pas limitées à des formes de vie primitives. On soupçonne que certaines d'entre elles ont pu se transformer et donner naissance aux eucaryotes multi-cellulaires, c'est-à-dire finalement à l'espèce humaine, en s'imposant aux monocellulaires procaryotes, et notamment aux bactéries, elles-mêmes omniprésentes sur Terre semble-t-il depuis les origines. Les auteurs de science-fiction pourront imaginer l'existence d''espèces humaines encore inconnues (telles l'abominable homme des neiges) dont les cellules seraient des archeae.

Les archeae pourraient continuer à entre en compétition avec la vie multicellulaire au sein des organismes complexes avec lesquels elles auraient réalisé des symbioses. L'équipe de Nottingham, rejointe par d'autres, soupçonnent que les capacités de réplication « anormales » dont font preuve les cellules cancéreuses dans ces organismes complexes pourraient avoir été héritées d'ancêtres archeae. Les cellules cancéreuses humaines feraient ainsi appel à des formes de réplication proches de celles du Haloferax volcanii. D'où l'intérêt d'approfondir aujourd'hui leur étude dans le cadre de la lutte anti-cancéreuse

Une étude plus approfondie de cette forme de vie, qualifiée par les chercheurs de « proche des autres formes mais néanmoins étrangères à la vie telle que nous la connaissons » devrait pouvoir faire apparaître des propriétés encore inconnues mais indispensables aux équilibres biologiques de la planète. Elle pourrait aussi renseigner sur la vie susceptible de se trouver sur d'autres planètes.

Pour en savoir plus
Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Archaea
Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Haloferax

Références

* Nature: Karen G. Lloyd, Lars Schreiber, Dorthe G. Petersen, Kasper U. Kjeldsen, Mark A. Lever, Andrew D. Steen, Ramunas Stepanauskas, Michael Richter, Sara Kleindienst, Sabine Lenk, Andreas Schramm, Bo Barker Jørgensen. Predominant archaea in marine sediments degrade detrital proteins. Nature, 2013; DOI: 10.1038/nature12033

* Nature: Michelle Hawkins, Sunir Malla, Martin J. Blythe, Conrad A. Nieduszynski, Thorsten Allers. Accelerated growth in the absence of DNA replication origins. Nature, 2013; DOI: 10.1038/nature12650

* Voir aussi Science Daily Life, but Not as We Know It: Rudimentary Form of Life Sidesteps Normal Replication Process http://www.sciencedaily.com/releases/2013/11/131103140259.htm

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C
PHYSIQUE QUANTIQUE:PRÉDIRE N'EST PAS EXPLIQUER.fermaton.overblog.com
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fermaton-overblog.com<br /> LA SCIENCE ET LE SYNDROME DE L'HIPPOPOTAME.
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